C’est à ce moment-là que Thomas rentra dans la salle d’attente.
- C’est à toi, le Chat.
Puis ajouta avec une petite moue :
- Médoc va me tuer quand elle va voir dans quel état tu es…
Ce dernier entra dans le cabinet de la doctoresse.
- Bonsoir.
- Assieds-toi là.
Elle lui désigna une chaise médicale apparemment rescapée de l’incendie car elle portait des traces de brûlures et elle était noircie par endroits. Le garçon s’assit dessus avec une méfiance affichée. Médoc lui lança gaiement :
- Oh, arrête de prendre cette tête de victime vouée au sacrifice ! Je ne ferais aucun mal à celui qui a sauvé la vie de mon frère, autrement ça barderait pour mon matricule !
Le général lui a donc raconté… Songea le Chat.
- Bon. Passons aux choses sérieuses. Blessures apparentes ? Pathologies chroniques ?
Elle l’examina et poussa un juron.
- Eh bah ! Tu t’es pas loupé ! Et en plus, tu es exténué et mort de faim ! Je peux compter tes côtes.
Elle marmonna pour elle-même :
- Thomas de l’éclair, ça va barder pour toi ! Nan mais y fait jamais attention à l’état…
Le reste de sa diatribe se perdit dans le vide. Elle alla chercher une bande propre, un baume désinfectant et commença à le soigner. Elle retira l’ancien pansement, désinfecta la blessure et la banda. On sentait qu’elle était douée et qu’elle exerçait ce métier depuis longtemps malgré son jeune âge.
- Tu es libre ! Lança-t-elle, j’ai fini !
- Merci Médoc ! Beau travail, dit-t-il en admirant le bandage impeccable qu’elle avait posé sur sa plaie.
Il quitta la salle et se retrouva dans la salle d’attente. En s’asseyant à côté du général, il lui souffla :
- Tu ferais bien de te casser, et en vitesse ! J’entendu Médoc marmonner contre toi lorsque je sortais. Et les termes les plus élogieux étaient : Aveugle physiologique, âne bâté, tête de mule et égoïste exocentrique !
Le général s’empressa de quitter la tente tandis que retentissait un terrifiant :
- Général Thomas de l’éclair ! Viens ici !
- Oh là là … Je n’aimerais pas être à sa place… Souffla le Chat
- Moi non plus.
Les jumeaux sortirent de la tente et rejoignirent Thomas. Celui-ci se retourna brusquement en les entendant venir, la main sur la garde de son épée, en position de combat.
- Ah, c’est vous, dit-il.
Il retira la main de son épée et se détendit.
- Je suppose que vous devez être crevé, pas vrai ?
- Tu supposes bien.
Puis examinant le frère de Médoc, il ajouta.
- Et toi aussi, je suppose ?
- En effet, reconnut-il, mais là n’est la question. Suivez-moi, je vais vous montrez où dormir.
Ils traversèrent le camp jusqu’à un bâtiment que les flammes semblaient avoir épargné. Sur le fronton, on pouvait voir au clair de lune un blason frappé d’un éclair jaune et avec, en arrière-plan, un A majuscule blanc sur fond violet. Ils passèrent la porte et se retrouvèrent dans une grande salle dans laquelle était disposée des chaises, des poufs et des tables sans plan précis ainsi qu’une bibliothèque. Elle était déserte. Ils gravirent un escalier et arrivèrent dans un dortoir où toutes les sortes de couchage possible était réunis. Les lits ne formaient pas des rangées mais des blocs disparates parmi lesquels ils slalomèrent. Quelques chuchotements accueillir leur arrivée mais ils se turent dès que les trois visiteurs arrivèrent au niveau du premier bloc. Ils s’arrêtèrent devant deux lits « normaux ».
- Je pense que ça conviendra pour cette nuit, chuchota Thomas. Demain vous vous choisirez un lit. En temps normal, vous auriez construit le vôtre selon vos goûts mais vu que nous allons bientôt déménager…
- Merci.
- Je vous laisse. Bonne nuit.
Les jumeaux se couchèrent et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, ils s’endormirent. À 7 heures du matin, ils furent réveillés par une sonnerie stridente. Les jumeaux observèrent qu’il y avait à peu près autant de fille que de garçons, qu’il devait y avoir au bas mot une centaine d’apprentis dans le dortoir et qu’ils étaient de tous âges même s’il y avait une majorité de jeunes. Le général entra dans le dortoir, l’air jovial.
- Bonjour tout le monde ! Bien dormi ? Boulon est occupé du coup c’est moi qui fais la répartition aujourd’hui. Bon alors, Luis, Morgan, Anne, Lynx et Brikbrok vous êtes de patrouille donc je veux vous voir à la plate-forme dans 20 minutes, p’tit dèj compris ! Sara, Boulon a besoin de toi à l’ascenseur le plus vite possible ! Les autres, regardez vos éclaireurs pour voir si vous avez un entrainement. Autrement, vous êtes libres. Ah, et le Chat et Jeda, vous êtes attendu par le conseil à 8 heures. Rivière, tu peux les guider ?
Toutes les têtes se tournèrent vers eux. Une fille aux yeux bleu turquoise et aux cheveux noirs coupés aux épaules s’avança et leur fit signe de les suivre.
- Bonjour ! Vous devez avoir faim, non ? leur demanda-t-elle d’une voie douce.
Et comme ils acquiesçaient, elle leur fit signe de la suivre. Ils traversèrent le bâtiment dans l’autre sens puis une grande esplanade parsemée de bancs parfois (souvent) calcinés avec au centre une grande fontaine dont la partie gauche était démolie, comme si son bassin avait été le théâtre d’un violent combat. On avait gravé une devise sur le rebord : « On va peut-être mourir demain, alors autant rire. » Ils la dépassèrent et se dirigèrent vers une grande tente dressée sur des ruines d’où s’échappait une délicieuse odeur.
Ils entrèrent. La cantine était vaste, avec des tables aussi éparses qu’au logis des apprentis et au fond, des bacs contenant des sandwichs, des fruits et des plats.
Les 3 comparses prirent chacun un sandwich, jambon fromage pour le chat, composite pour Jeda et Rivière et s’assirent à une petite table. Entre deux bouchées -les sandwichs étaient délicieux- le Chat demanda à Rivière :
- ‘ourquoi ‘u ‘a’’elle Chivière ?
- Euhhh ?
Le Chat avala une grosse bouchée sous le regard réprobateur de sa jumelle et dit :
- Excuses- moi. Ces sandwichs sont une tuerie et ça faisait longtemps que je n’ai pas mangé de vrai repas. Je disais donc : Pourquoi tu t’appelles Rivière ? Répéta-t-il très sérieusement.
La jeune fille le regarda d’un air mi-amusé mi-réprobateur. Pour toute réponse, elle agita le petit doigt et l’eau de la bouteille de le Chat déserta son contenant et forma une massue aquatique qui alla s’écraser sur la tête du garçon. Il ruisselait de la tête aux pieds et se mit à crachoter. D’un geste négligent, l’éclairite fit se remplir de nouveau la bouteille d’eau et sécha du même coup les vêtements du garçon.
- Mon frère jumeau, Fleuve et moi-même, sommes des hydrokinésistes de talent.
- Et modeste, pour ne rien gâcher. Mais c’est pas mal du tout. Mais je peux faire mieux.
Rivière tenait en main une bouteille d’eau, semblable à celle du Chat, en verre. L’apprenti la désigna du doigt.
- Je peux ?
Rivière lui tendis l’objet, légèrement intriguée. Le Chat le saisit, puis brusquement, jeta la bouteille en l’air. Elle retomba mais quand elle toucha le sol, ne se fracassa pas ! Le Chat la récupéra et la redonna à sa propriétaire. Il saisit ensuite la sienne et se mis à lui imprimer des mouvements circulaires. Pui il la posa sur la table et lui jeta un regard. Mais au lieu de s’estomper et de perde de l’énergie, la rotation se renforça jusqu’à créer une mini tempête qui brisa la bouteille de l’intérieur ! Le Chat s’excusa.
- Pardon, je ne pensais pas que ça exploserai !
Mais son léger sourire démentait son innocente affirmation. Il essuya machinalement l’eau et ramassa les éclats de verre pour aller les jeter à la poubelle. Quand il fut revenu, Rivière questionna le Chat :
- Tu contrôles la gravité ?
- Pas exactement. L’énergie cinétique, pour être juste.
Jeda donna un coup de coude à son frère.
- T’aimes vraiment frimer toi…
- Pas plus que toi, répliqua-t-il en se massant les côtes.
Jeda leva les yeux au ciel, et, les baissant, aperçu un garçon de leur âge se dirigea vers leur table, un plateau à la main. On ne pouvait pas voir son visage car il était à contre-jour. Il avança jusqu’à se retrouver face à Jeda et Rivière, et à côté du Chat, à la place laissée libre.
- Salut Rivière. C’est les petits nouveaux ces deux-là ?
Rivière désigna Fleuve.
- Jeda, le Chat, je vous présente Fleuve, mon frère jumeau. Fleuve, je te présente Jeda et le Chat, qui sont nouveaux.
Le garçon se tourna vers Jeda, mettant ainsi son visage en pleine lumière. Il ressemblait comme 2 gouttes d’eau à sa sœur, si on exceptait qu’il était un garçon et que ses cheveux noirs étaient coupé cours. Ses yeux bleu turquoises, légèrement froncés en raison du soleil qui lui arrivait droit dans les yeux, fixaient Jeda.
- Il est pas mal… songea-t-elle…
Fleuve repris la parole.
- Ah, très bien. J’imagine que vous devez avoir un certain niveau ?
Il avait prononcé cette phrase avec un certain mépris dans la voix, chose que Jeda n’apprécia pas.
- On en a sans doute plus que toi.
Fleuve sembla surpris, puis eu un petit sourire.
- Tout doux beauté. Qu’est-ce que tu en sais, d’abords ? Moi, le matin, je m’entraîne, je me brosse pas les cheveux.
- Ça se voit, vu la crasse qui les recouvres ! intervint le Chat.
Il avait prononcé cette phrase avec un air indifférent, en finissant sa bouteille d’eau. Les mecs un tant soit peu méprisants, insultant à l’égard de sa famille, ça ne passait jamais.
Fleuve eu un air choqué. Il détestait qu’on le clash devant les filles. Rivière, ça comptait pas, c’était sa sœur et ils ne se disputaient JAMAIS. Sans compter qu’ils étaient… Jumeaux quoi ! Mais Jeda… Une meuf plutôt canon et qui avait l’air d’être plutôt douée. Celui-là allait s’en prendre une !
- Tiens donc, le détrousseur des grands chemins daigne s’adresser à moi ! Pratique, la capuche, pour voler sans être reconnu !
- Pfff. Prends des cours de clash, mec. Là, t’es resté à l’école primaire.
Fleuve s’apprêtait à répondre mais ils furent interrompu par un haut-parleur qui crachota :
- Le Chat et Jeda sont attendus à la salle du conseil… Clok.
Et le tube de bois noirci tomba au sol et rendit son dernier soupir.
- Boulon et son apprenti ont beaucoup de travail en ce moment… Suivez-moi.
Ils quittèrent la table et suivirent Rivière après un dernier échange de regards noirs entre Fleuve et le Chat. Elle expliqua :
- Boulon est le caporal de l’escouade violette, la nôtre. Il est également un excellent mécanicien.
Fleuve les suivit des yeux juste qu’à ce qu’ils quittent la salle. Vraiment jolie, la fille… Ils traversèrent le camp pour atteindre un bâtiment que les flammes semblaient avoir miraculeusement épargnées. C’était le centre névralgique du lieu, la salle du conseil. Ils entrèrent et se retrouvèrent dans une grande salle lumineuse dans laquelle était placée une table ronde au milieu évasé. Autour de la table siégeaient plusieurs personnes dont le général et celui qui, visiblement, devait être son lieutenant. Le chat vit plusieurs visages familiers, comme ceux de Sar, Médoc et Yori.
- Tu peux y aller, Rivière. Merci. Dit le général.
La jeune fille se retira et ferma la porte. Le Chat eu un léger frisson quand il entendit la porte se refermer. Il avait l’impression de refermer sur lui la porte de sa prison.
- Bon. Le Chat et Jeda. On commence par la partie administrative. Vos dates de naissances ?
- 28 octobre 2379.
Le général écarquilla les yeux et sourit.
- Ça c’est drôle ! C’est également la mienne ! à une année près, je suis né en 2378. Mais on s’en fiche.
Il se repris et annonça :
- Bon. La partie moralisatrice, maintenant : En devenant éclairite, votre passé est effacé. Vous auriez pu être les pires salopards que la terre n’est jamais eu, nous nous en moquons. Mais en contrepartie, maintenant vous travailler pour le bien. En ce moment, nous concentrons principalement nos efforts sur le clan du squelette. Je vous rappelle que nous n’acceptons une mission qui si elle contribue au bien de notre monde. Mais si vous faites un trop gros écart sans raison valable, vous êtes exclus. Vous pouvez choisir le nom qui vous plaît. Lesquels souhaitez-vous ?
Le Chat comprenait mieux les noms étranges de certains. Ils les avaient donc choisis…
- Les noms sous lesquels vous nous connaissez. Le Chat et Jeda.
- Parfait. Le temps de votre apprentissage, vous aurez un mentor qui sera à la fois votre prof, votre référent et votre ami.
Thomas ajouta avec un petit sourire :
- Même si je pense que l’on n’a rien à vous apprendre en combat.
Le Chat baissa légèrement la tête. Il apprécia le compliment, de même que sa sœur, à sa juste valeur.
- Vous apprendrez leurs noms en même temps que vous serez présentés au reste du clan, peu après l’épreuve de l’introspecteur que vous allez passer maintenant. Le conseil est levé. Sar, tu peux aller chercher Boulon, s’il te plaît ?
La plupart des personnes se levèrent et partirent sauf Thomas et son lieutenant. Ce dernier avait des yeux noirs et perçants qui ressemblait étrangement à ceux de Thomas, une cicatrice avec 3 points de suture en travers d’un nez en bec d’aigle et des cheveux noirs hérissés. Il était à la fois mince et charpenté. Le lieutenant semblait avoir la quarantaine et faisait penser à un vieux lion ayant vu plus d’une bataille. Il portait un uniforme bleu semblable en tous points à celui de son chef sauf en une chose : un L entourait l’éclair sur sa poitrine à la place d’un G majuscule. Il tendit la main au Chat.
- Enchanté. Je suis Lion.
Tiens donc…Un vieux lion ayant vu d’une bataille, hein ? Le Chat saisit sa main … Et Lion s’effondra au sol, secoué de spasmes ! Le général dégaina son épée, et en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, il attrapa l’étranger par le devant de son sweat et lui posa la pointe de son épée sur la gorge. Leurs nez étaient presque collés. Le Chat voyait très distinctement son visage se refléter dans les yeux de son agresseur.
- Qu’est-ce que tu lui as fait ? Réponds ! hurla-t-il.
Le Chat ne savait ce qui était arrivé à Lion… Il ne le savait absolument pas… Il se sentait aspiré par… Quelques secondes plus tard, il se retrouva dans une salle sombre. Il était dans le souvenir de quelqu’un… Il avança et vit un corps au sol. Un enfant le secouait et pleurait près de lui.
- Réveille-toi ! S’il te plaît ! Réveille-toi ! Pourquoi vous lui avez fait ça ?
L’enfant leva les yeux vers une silhouette sombre qui surplombait la scène, tenant un fouet. A la faveur d’un rayon de soleil qui passa par un soupirail, le Chat aperçu le visage barbouillé de larmes de l’enfant. C’était Thomas ! Ou plutôt, l’enfant qu’il avait été, à 6 ans environ. La confusion n’était pas possible. Même cheveux jaunes en bataille, même yeux noirs… Et le corps au sol… Lion ! Sans connaissance et couvert de plaies avec une blessure au nez qui deviendrait sans doute la fameuse cicatrice. Mais il ne portait pas l’uniforme éclairite mais une tunique noire brodée de rouge aux manches et au col, tachée de sang et un pantalon noir également. Le petit Thomas se releva et hurla, plein de rage :
- Pourquoi ? Vous n’êtes qu’un salopard !
La silhouette répondit, dédaigneuse :
- Ton précepteur m’a désobéi. Il devait être puni. Et de toute façon, c’est de ta faute si j’ai dû faire cela.
L’enfant recula, comme si on l’avait frappé. La silhouette continua :
- Si tu n’étais pas tombé malade, il n’aurait pas été contraint d’abandonner son poste pour te soigner. Il n’aurait pas dû. Après tout, tu n’es qu’un gamin comme un autre. Si tu étais mort, qu’es ce que ça aurait changé ?
Mais on voyait bien qu’il ne pensait pas vraiment que le petit Thomas était « un gamin comme un autre ». Mais l’enfant ne s’en aperçu pas et blêmit encore plus, si c’était possible. L’ombre repris, avec une nuance de contrariété dans la voix :
- Mais je serais quelque peu embêté si lui meurt. Vois-tu, j’ai encore besoin de ton précepteur… Vivant. Mais pas d’un gamin qui tombe malade au moindre coup de vent et contrarie la destinée de son clan. Et si en plus il trépasse (il désigna Lion d’un coup de tête) ce sera de ta faute.
Le Chat avais envie de vomir. Si c’était là-bas que Thomas avait grandi… C’était un miracle qu’il ne soit pas soit mort, soit devenu comme la silhouette. Et faire culpabiliser un gamin de cette manière alors que tout était sa faute, à lui. Et si Lion était son précepteur, normal qu’il vienne l’aider ! Mais du coup, Thomas et Lion se connaissaient depuis très longtemps… Il avait envie de frapper l’ombre. Mais l’enfant ne se laissa pas faire. Il dégaina un poignard et se précipita sur la silhouette, dague levée. Mais celle-ci brandit son fouet et le fit claquer en l’air. La lanière de cuir s’enroula autour du poignet du petit Thomas. L’ombre resserra sa prise et l’enfant lâcha son poignard en hurlant de douleur. La silhouette se pencha brusquement sur lui, le saisit par le col et le souleva de terre jusqu’à ce que leurs visages se touchent presque.
- Evite ce genre de choses à l’avenir, si tu ne veux pas finir comme lui !
Et il le balança près du corps sans connaissance de Lion. Le petit Thomas poussa un cri de douleur : le poignet blessé avait heurté le sol. Il se recroquevilla, son poignet serré contre lui. L’ombre se pencha sur lui, la main tendue. Et tout devint noir.
Trop bien !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!