Thomas se retourna lentement pour faire face à Jeda. Elle le regardait avec une étincelle de folie dans ses yeux d’un vert de jade. Le général frissonna. Qu’allait-elle faire ? Et surtout, qu’était-elle capable de faire ? Le jeune homme posa une main sur son boomerang, comme pour s’abriter de la folie que semblait contenir l’âme de l’éclairite
. Elle avait son épée dans une main et une pierre aux arêtes acérées dans l’autre. Les deux belligérants se regardèrent dans un silence de mort, les yeux verts et tourmentés dans les yeux noirs et interrogateurs. Et sans prévenir (d’ailleurs, pourquoi l’aurait-elle averti ?), Jeda lança la pierre de toute ses forces vers le visage de son supérieur. Thomas vit, comme au ralenti, la pierre foncer vers sa tête en tournoyant. Mais au moment où elle allait la heurter, une main l’intercepta. Thomas tourna légèrement la tête et aperçut le propriétaire de la main. Lion. Qui regardait son apprentie d’un air furieux. Le Chat se précipita sur sa jumelle.
- Jeda ! tu te rends compte de ce que tu viens de tenter de faire ?
La jeune fille sembla petit à petit prendre conscience de la gravité de son acte. Elle ne venait ni plus ni moins de tenter de blesser gravement son chef. Ses yeux étaient légèrement embrumés et elle semblait avoir du mal à accepter que ce fût elle qui venait de faire ça. Lion lâcha la pierre qui tomba au sol dans un léger nuage de poussière. Sa main saignait et était couverte d’égratignures, mais le lieutenant ne semblait pas s’en soucier plus que ça. Thomas posa une main sur son épaule et le remercia. Lion lui fit un léger signe de tête, sans pour autant lâcher Jeda du regard. Celle-ci soutint le regard de son mentor. Il s’avança vers elle… Et lui mis une gifle monumentale. Jeda tituba, sous le choc de la violence avec laquelle la claque avait été donné. Le Chat eu l’air choqué et s’interposa entre le mentor et l’apprentie.
- Vous réprouvez le fait que ma sœur ai agressé Thomas mais vous avez exactement la même attitude qu’elle en la frappant ! Vous savez, il y a d’autres moyens de punir !
Lion sembla sur le point de le frapper lui aussi quand la main de Jeda se posa sur l’épaule de son frère. Le Chat se retourna. Sa jumelle le poussa légèrement sur le côté, s’avança face au lieutenant et au général et s’inclina en un curieux salut, un bras replié perpendiculairement au corps et la main droite contre sa poitrine.
- Veuillez accepter mes excuses. Mon comportement n’était en rien acceptable et excusable.
Jeda resta un instant incliné puis se releva, droite face aux regards étonnés de Thomas et Lion. Le général finis par esquisser un sourire et posa sa main sur l’épaule de Jeda.
- Excuses acceptées ! Ça ira pour cette fois, mais ne recommence pas, d’accord ?
La jumelle acquiesça silencieusement, le visage toujours grave. On sentait à cette expression que ce qu’elle venait de faire n’était pas n’importe quoi, mais quelque chose de grave.
- Bon, fini par dire Lion d’un ton bourru, l’important, c’est que vous soyez tous sain et sauf !
Thomas s’apprêtait visiblement à répondre mais le Krakennosaurus (que tout le monde avait oublié à ce moment- là) poussa un rugissement d’approbation et s’avança d’un pas pesant vers Lion, visiblement en quête de câlins et de morceaux de sucres (c’est qu’c’est gourmand ces p’tites bêtes là !). Lion poussa un hurlement et dégaina son épée.
- Un monstre ! Attention !
Mais le ricanement à peine étouffé du Chat et l’impassibilité moqueuse de Jeda et Thomas semblaient indiquer que ce n’étais pas du tout une bestiole dangereuse. Le Krakennosaurus acheva sa trajectoire et commença à lécher Lion de la tête au pied et à le regarder une expression d’adoration.
- Ce cher Lion s’est fait un copain, à ce qu’on dirait ! murmura le Chat à sa sœur.
Il semblait ne pas avoir totalement oublié la gifle qu’avais administré à sa sœur le lieutenant éclairite.
- Et pour répondre à ta question, Lion ; répondit Thomas qui semblait parfaitement indifférent au fait que Lion était de plus en plus recouvert de bave verdâtre ; je vais parfaitement bien.
Lion, qui s’affairait à repousser la tête écailleuse du Krakennosaurus, sembla rassuré.
- Tant mieux ! Mais comment allons-nous faire pour sortir de là ?
Le Chat secoua la tête
- J’imagine que vous avez laissé une corde pour la remontée, non ?
Le lieutenant secoua la tête
- Non, car j’ai suivi le même chemin que vous. C’est à peu près praticable, il faudra juste déblayer l’entrée.
Jeda leva les yeux au ciel.
- Et voilà… Un gai travail en perspective !
- Arrête de râler, dit Thomas, ou on n’est pas sortis de l’auberge. On remontera, et voilà tout.
D’un pas décidé, le général se dirigea vers l’entrée. Quelques minutes plus tard, les éclairites se trouvaient juste devant le trou qui les avait précipités ici. Le Chat saisit un bloc, et le jeta de côté, suivit par sa sœur, puis par son chef et son lieutenant. Ils suaient sous l’effort mais le passage finit par s’élargir. Thomas s’arrêta quelques instants et inspecta l’ouverture.
- Je pourrais presque passer par l’ouverture.
Le Chat laissa tomber sa pierre et s’exclama.
- Eh, mais c’est pas une mauvaise idée ça ! Tu remontes…
- Je cours au camp et je reviens avec une corde et un géokinésiste !
Le général mis une claque amicale au Chat.
- T’est un génie !
Mais une voix sévère les interrompit
- C’est simplement hors de question !
Lion regardait les deux amis d’un air réprobateur au possible. Jeda fronça les sourcils.
- C’est trop dangereux. Continua Lion
Les éclairites se regardèrent. Thomas savait que Lion était un vrai papa poule, et dans ce genre de cas, ne lâchait jamais l’affaire, ou presque. Il pouvait donner des ordres à n’importe quel éclairite, mais pas à son ancien instructeur. Il s’apprêtait à renoncer en bonne et due forme quand Jeda s’avança et s’adressa à son mentor.
- Franchement lieutenant… Grimper quelques pierres… et aller chercher quelqu’un au camp… Tout le monde peut le faire ! Mais vous voyez, on préfèrerait que mon frère ne prenne pas de risque, après ce qui lui est arrivé… et je me dois de rester à ses côtés… Quant à vous, nous préférerions que vous restiez auprès de nous… en cas de problème… Ne reste que Thomas pour remonter une pente. Et qui d’autre que lui pour donner des ordres à des soldats qui lui obéissent tous au doigt et à l’œil ? Je me demande comment vous avez réussi à le rendre ainsi.
Elle sourit d’un air enjôleur et Lion se gratta la tête, l’air de réfléchir. Mais son fils adoptif savait qu’il n’allait pas résister bien longtemps, car si on flattait ainsi son ego et sa qualité d’éducateur, il laisserait faire. Jeda avait bien cerné sa personnalité. Le Chat retenait à grand peine un sourire railleur tandis qu’il achevait d’élargir le trou pour que son chef puisse passer. Le lieutenant hocha la tête
- Oui, oui, pourquoi pas… Mais soit très prudent Thomas
Et Thomas se précipita dans l’ouverture avant que Lion ne change d’avis. Il escalada quelques pierres, en agrippa d’autres et se hissa lentement, mètre après mètre. Petit à petit, la luminosité diminuais, mais heureusement, la pente n’augmentait pas trop. Après de longues et épuisantes minutes à grimper, il s’aperçut que la lumière revenait. Le général sourit :
- Enfin !
Il se dépêcha, les yeux tournés vers le haut. Mais dans sa hâte, il mit son pied sur une pierre qui se déroba sous lui. Thomas poussa un hurlement et chuta, entraînant d’autres pierres avec lui !
En bas, Jeda, le Chat et Lion déblayait toujours et Lion commençait à se demander si il ne s’était pas un peu fait avoir quand un grondement se fit entendre des profondeurs du trou.
Le Chat saisit Lion et Jeda et les tira en arrière.
- Attention ! ça va s’effondrer !
Et en effet, ça s’effondra. Les trois éclairites se jetèrent au sol et bientôt, ne virent pas plus loin que le bout de leur nez tant le nuage de poussière était dense. Le Chat fut le premier à se relever et à se précipiter vers l’entrée du trou. Il passa la tête dedans et cria :
- Général !! Es ce que ça va ? Réponds !
Jeda se releva en toussant, les chutes de pierre l’ayant poussé quelques mètres plus loin.
- Contente de savoir que tu te soucies plus de ton chef que de ta sœur
- Nan, c’est juste que je sais que de toute façon et pour mon plus grand malheur, tu t’en tirera toujours.
Lion se releva, et pointa un doigt accusateur sur l’apprenti
- Et voilà ! J’en étais sûr !
Mais une silhouette émergea lentement, en titubant, du nuage de poussière. Le Chat et Lion se précipitèrent sur lui.
- Ça va ??
Le général les repoussa doucement.
- Oui, ne vous inquiétez paaaah !
Thomas se plia en deux, la main serrée sur son torse qui se colorait lentement de rouge… Il tomba à genoux sous le coup de la douleur fulgurante qui l’avait traversé. Il vit le sol se rapprocher dangereusement de lui… Quand il s’arrêta soudainement à 2 centimètres de son visage. Il sentit qu’on le soulevait et le posait sur le dos. La douleur lui brouillait la vue mais il entrevoyait deux silhouettes se pencher sur lui. Lion. Le Chat. Mais quelque chose le troublait dans l’attitude de son apprenti. Sa posture… Elle dénonçait quelque chose au niveau des émotions. Quelque chose de vraiment étrange. Il fallait vérifier. Thomas effleura ses émotions et se retrouva plongé dans un tourbillon orange/ bleu de tristesse, de panique et d’inquiétude. Malgré le fait qu’il ne soit pas télépathe, Thomas entrevit que les émotions que son apprenti ressentait étaient mêlées à celle d’anciens (et visiblement très désagréable) souvenirs C’était si violent qu’il hurla. Lion cria son nom. Le Chat poussa un cri de surprise et de terreur et roula sur le côté, la tête entre les mains.
- Qu’est-ce que tu fais ? Sort de ma tête tout de suite !
Une barrière de pics se dressa dans son esprit. Thomas ressortit en vitesse. Le Chat se tourna vers lui et lui jeta un regard étrange.
- Qu’est… Qu’est- ce que tu m’as fait ?
Le général n’avait pas, mais alors pas du tout envie de répondre. Cette question faisait partie de la catégorie « ne pas toucher ». Mais il n’appréciait pas de devoir mentir à ce garçon qu’il considérait à présent comme un ami. Heureusement, son évanouissement lui épargna ce dilemme.
Le Chat resta à distance quelques secondes, puis, poussé par il ne savais quoi, il s’approcha du garçon. Lion tenait son fils dans ses bras, et tentait d’endiguer le flot de sang, tout en regardant d’un air suspicieux l’éclairite. Ce dernier repoussa le lieutenant doucement et, d’un ton qu’il ne se connaissait pas, lui enjoignit de tenter de contacter médoc. Le lieutenant, quelque peu déboussolé, s’éloigna de quelques mètres, e sortit de sa poche une balise qu’il activa. Le Chat vérifia, par prudence, que Thomas était bien évanoui. Il agita la main devant sa tête mais le général ne réagit pas. Son visage paraissait tellement plus jeune, comme si la responsabilité qui lui avait échu s’était retiré, d’un coup, le laissant tranquille. Il avait le même genre de visage que ces gens morts paisiblement, entouré des leurs. Il regretta aussitôt cette comparaison. Et si… il était vraiment mort ? Il se pencha et écouta. Non, le cœur battait toujours. Il retira le sweat du jeune homme et examina la blessure. La cause en était sans doute une pierre, qui, projetée avait heurté violemment le torse de son compagnon. Mais pourquoi la blessure s’était-elle ouverte là, maintenant et pas lors de leur arrivée ? On pouvait exclure la cause du mouvement trop brusque car… Enfin ce n’étais pas le moment de raisonner. La blessure était profonde et le général semblait avoir des difficultés à respirer. La pierre avait dû défoncer la cage thoracique. Il se leva et regarda autour de lui. Sous sa tunique, la lueur s’alluma de nouveau. Jeda atterrit juste devant son frère et l’interrogea du regard. Pour toute réponse, il lui désigna Thomas. Elle s’agenouilla à côté du blessé puis se tourna vers son frère.
- Que veux-tu que je fasse ? C’est toi l’expert en transfert d’énergie, de nous deux, pas moi !
- Je ne veux pas que tu le guérisses. Mais que tu me prêtes ton énervita.
Jeda marqua un temps d’arrêt. Son frère et elle avaient beau être quasi fusionnels, prêter ou prendre de l’énervita ne se faisait pas en un claquement de doigt. Elle hésita un peu et tendit la main à son frère, qui la saisit. Leurs paumes se mirent à luire d’une lumière bleutée provenant de la main du Chat. La lumière verte produite par Jeda semblait irrésistiblement absorbée par celle de son frère. L’autre main du Chat se mit à luire et à pulser elle aussi, comme si la lumière voulait s’échapper de sa main. Le Chat posa sa main sur la blessure de leur compagnon qui commença lentement à se résorber.
- C’est plus difficile que je ne le pensais, murmura le Chat d’une voix étranglée, il y a aussi des côtes cassées et les poumons sont abimés. Je… Je ne vais pas tenir longtemps.
En effet, la lumière commençait à faiblir, puis à remonter, puis de nouveau à faiblir, comme une ampoule en fin de course. Jeda se concentra et la lumière provenant de sa main redoubla. Celle de la main de son frère se stabilisa et la blessure acheva de cicatriser. Le Chat s’affala par terre, complètement vidé malgré l’aide fournie par Jeda.
- Qu’est-ce que ça aurait été si tu ne m’avais pas aidé !
Jeda eu un léger sourire et s’assis à côté de son frère. Lion, qui s’était éloigné pour contacter la doctoresse, poussa un cri de surprise en voyant la plaie désormais résorbée. Thomas émis un grognement et se redressa. Il se palpa le torse, surpris de ne plus y voir aucune blessure.
- Je suis… Mort ?
- Jusqu’à preuve du contraire, tu es bien vivant. Maintenant tais-toi et laisse-moi dormir, marmonna le Chat.
T'a vraiment beaucoup d'imagination ! 😄👏